Anthony Couturier, de retour
Entrevue / 11 mars 2024
Entrevue et rédaction: Christian Pilon, partenaire
Crédit photo: IBSF
Temps de lecture: 2 minutes
En septembre dernier, nous avons publié une entrevue au moment où notre partenaire, et entraîneur au Studio, Anthony Couturier, relançait sa carrière de brakeman dans l'équipe canadienne de bobsleigh. Anthony a temporairement quitté les opérations pour s’adonner à sa passion: le bobsleigh.
Il réussissait alors sa qualification, mais sans le savoir, un défi plus important était devant lui. À un mois du début de la saison, les fonds de l’équipe ont été coupés. L’équipe a dû autofinancer ses activités! Des choix stratégiques ont dû être faits pour permettre une participation aux championnats du monde.
L’objectif a été atteint ! Dans cette entrevue, nous le retrouvons en Allemagne, après s’être frotté aux meilleurs de la discipline lors de l'épreuve convoitée.
Christian (C pour la suite): Nous avions quitté nos lecteurs sur les essais canadiens fin septembre. Pour ceux qui ont suivi les développements sur les réseaux sociaux, ils ont pu voir que tu avais bien fait l'équipe, mais pour les autres, peux-tu nous faire un petit retour sur l'automne ?
Anthony (A pour la suite): Après une pause de 18 mois sans toucher un traîneau, j’avoue avoir été un peu rouillé, mais globalement, mon expérience - j’arrive à trois cents descentes environ - m’a bien servi et ça s’est vite replacé. J’ai fait ma place avec Taylor Austin, un pilote d’expérience. J’ai pu partager mes connaissances avec les recrues.
C: Le Studio a eu la chance de commanditer l'équipe pour vous donner un coup de pouce financier. Lors de notre entrevue de septembre, il ne semblait pas évident que vous seriez en mesure de vous déplacer autant pour participer au circuit européen et nord-américain. Au-delà de l’aspect sportif, la vie d’athlète amateur semble comporter toutes sortes de défis?
A: Il a fallu se serrer les coudes, se transformer en entrepreneurs du jour au lendemain pour aller chercher des commanditaires de façon à financer les vols, les repas et l’hébergement; choses normalement prises en charge. Ce fut une expérience enrichissante. Nous avons beaucoup appris!
Nous avons dû faire une saison tronquée en choisissant les courses les plus payantes au pointage de façon à pouvoir se présenter aux championnats du monde de la semaine dernière. C’était notre objectif premier et nous sommes fiers de l’avoir atteint.
C: Parlons-en, justement. Douzième place ! Satisfait(s) ?
A: Satisfait certainement, mais pas nécessairement pour les raisons que tu penses. Nous étions vraiment concentrés sur le processus en cette année de reconstruction. Pour citer l’entraîneur des 49ers - si je ne me trompe, Bill Walsh - «Le pointage prend soin de lui-même / The score takes care of itself.» Nous étions à fond sur ce que nous devions faire pour arriver à nos fins. J’aime à penser que le défi financier de cette saison nous a probablement mis encore plus dans un état d’esprit payant. Nous avons été constants, nous avons eu un bon résultat, c’est une bonne base pour construire la suite.
Si je peux me permettre de revenir sur l’idée que «l’important est le processus», il y a certainement un parallèle à faire avec l’entraînement fait au Studio. Je crois qu’il peut être payant d’encadrer sa démarche. Lorsque l’on a le regard sur un objectif un peu lointain, parfois un brin abstrait, il est facile de ne pas faire ce qu’il faut au quotidien. Savourer le processus est une bonne façon d’arriver à ses fins. Ce n’est pas nouveau comme notion, j’en conviens. Si je prends le temps de resouligner cet aspect, c’est probablement que cette saison aura renforcé cette conviction chez moi.
C: D'un point de vue personnel, pendant 5 mois, tu n’as pas été souvent à la maison. Comment se passe la vie sur la route? Qu'est-ce qui te manque le plus?
A: On est un peu loin de la vie des gens riches et célèbres. On développe ses capacités d’adaptabilité. On partage souvent une chambre avec un collègue en fonction du logement trouvé. On change souvent de place. On rentre dans un tunnel et on se concentre sur le travail à accomplir. On trouve tout de même du temps pour profiter d’endroits fantastiques, mais il faut dire que sur le dernier droit, le soleil n’a pas souvent trouvé son chemin sur le sol. L’hiver, en Allemagne, est gris. J’aime cette saison, mais la lumière, le soleil me manque! Naturellement, la maison me manque d’autant plus que les retrouvailles sont proches. La vraie lumière à la sortie du tunnel !
C: Et pour l’entraînement ? Garder la forme ?
A: C’est jouable. Je n’ai rien perdu sur la période. On réduit le volume pour être frais lors des compétitions. Ça peut paraître particulier, mais on transporte avec le bobsleigh, un rack, une barre et nos plates. Gracieuseté de Bells of Steel ! Merci au passage ! On s’installe où on peut, car les stations ne sont pas nécessairement équipées pour l’entraînement athlétique. Souvent un garage, un stationnement couvert pour le travail avec charges, stationnement tout court pour sprinter. Le tout à proximité de la piste. On est un peu en mode Rocky dans le 4e volet de la saga; un côté brut qui a son charme. Je vais tout de même être content de rentrer au Studio !
C: On a parlé de défi financier, d'acclimatation à la vie nomade, parlons de défi psychologique. Lors de la course sur le circuit de la coupe du monde BMW IBSF, du 18 février dernier à Altenberg, votre bobsleigh a chaviré à la sortie du tournant 9, après 30 s environ de course. Le traîneau et votre poids, 600 kg (≈ 1300 lb), a pesé sur votre tête, sur vos épaules, alors que vous étiez à 110 km/h avec encore 8 tournants à faire. Pendant 40 s, vous êtes resté dans cette fâcheuse position avant d'arriver au bas de la piste. Premièrement, tout va bien? Pas de séquelles? Comment fait-on pour embarquer dans le traîneau la fois d'après?
A: Tout le monde va bien! Je sais que ça paraît impressionnant, mais c’est la 5e ou 6e fois que je chavire. Ça fait partie du jeu. Il faut jouer avec la limite et nous ne sommes pas là pour faire de la figuration. Ça peut donc arriver. Sinon, on est somme toute bien protégé, on s’accroche et on patiente. On est quitte pour une bonne dose d’adrénaline, ce qui n’est pas pour me déplaire. Ce qui est le plus impressionnant est le bruit de frottement du casque sur la glace, je ne sais pas combien de décibels ça donne, mais ça résonne dans tout le crâne.
Pour la question de se relancer, vu l’habitude comme je disais, ce n’est pas trop un enjeu. Je dois dire qu’après mon premier accident de ce type, j’avais un excellent entraîneur qui avait un vaccin éprouvé. Il a toute de suite dit: « On recommence et ajoute une règle. Vous devez battre votre intervalle au départ, pousser encore plus fort que lors de la descente précédente.» J’étais un peu fébrile sur le coup, nous avons mieux fait sur notre temps. Lors du prochain épisode, le terrain était connu.
C: Il te reste une course sur le circuit de la coupe du monde à Lake Placid dans le Vermont. Une prédiction?
A: Je m’aventure rarement à faire des prédictions. De plus, cette année, on y va strictement pour mettre de l’expérience en banque. Ceci dit, j’ai vraiment hâte! C'est ce qui est le plus proche de jouer à la maison. J'ai pas mal d'amis et de la famille qui seront sur place. La pression sera forte, mais stimulante.
C: Super! Sinon, prochain rendez-vous Italie 2026 pour les Olympiques?
A: Tu sautes quelques étapes ! On va commencer par un retour au Studio dès le 27 mars pour épauler nos membres. Il est possible de réserver des séances avec moi dès la parution de cette entrevue. Tu as vu comme je suis rendu un bon entrepreneur ! Plus sérieusement, on va se préparer pour la prochaine saison dès ce printemps, en se concentrant sur le processus bien sûr et en espérant pouvoir participer à la majorité des courses lors de la saison 2024-2025.
Descente difficile à Altenburg. Séance de la Coupe du Monde, 18 février 2024.
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